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Europe Ecologie Haut Val de Marne
15 février 2009

Aire d'influence économique de l'Europe dans le Monde

Les entreprises et les gouvernements de l’Union Européenne ont actuellement les yeux rivés sur les deux autres pôles économiques de la richesse mondiale (Amérique du Nord et Japon) ainsi que sur des pays émergents éloignés (Chine, Inde, Brésil) où ils cherchent à gagner des parts de marché dans le cadre d’une compétition acharnée. Ils négligent de ce fait les atouts et les potentialités de leur voisinage proche (Russie, Ukraine, Afrique du Nord, Proche-Orient) et accélèrent le processus de délocalisation industrielle et de transfert des capacités d’innovation. Cette stratégie irrationnelle offre aux entreprises des gains de court terme, mais elle expose les sociétés européennes à un retournement brutal de la conjoncture mondiale où ils seraient les premiers perdants. Elle  est liée à une profonde méconnaissance de l’aire d’influence réelle de l’Europe dans le Monde. Un rapport réalisé pour l’Union Européenne propose une vision stratégique radicalement différente.


•    L’asymétrie des échanges commerciaux 1996-2000

La notion d’aire d’influence implique une asymétrie fondamentale des relations internationales qui est bien illustrée par l’exemple des échanges commerciaux bilatéraux en 1996-2000. Les pays qui réalisent l’essentiel de leurs échanges commerciaux  avec l’Europe (Carte 1) et qui dépendent donc fortement de celle-ci couvrent un vaste fuseau nord-sud qui va des marges orientales de la Russie à l’Afrique du Sud, en excluant toutefois les pays pétroliers du Golfe Persique qui disposent d’une clientèle diversifiée. Les pays avec lesquels l’Europe réalise l’essentiel de ses échanges commerciaux (Carte 2) se concentrent en Amérique du Nord et en Asie orientale, secondairement en Amérique latine et en Asie du Sud ou au Proche Orient. En recoupant ces deux aires géographiques on peut définir quatre types d’espace : (1) Des pays qui dépendent de l’Europe mais dont elle dépend en retour (Turquie, Russie). (2) Des pays qui dépendent de l’Europe mais sont quantité négligeable pour celle-ci (Afrique Subsaharienne). (3) Des pays dont dépend fortement l’Europe mais pour lesquels elle n’est pas le partenaire principal (Japon, Chine, Etats-Unis) ; (4) des pays qui dépendent peu de l’Europe et dont elle ne dépend guère non plus (Australie, Mexique, Indonésie).

Carte 1 : Influence commerciale de l’Europe (1996-2000)

Source : ESPON Project 3.4.1. Europe in the World
Influence1






























Carte 2 : Dépendance commerciale de l’Europe
(1996-2000)
Source : ESPON Project 3.4.1. Europe in the World
Influence2






























Par rapport aux Etats-Unis ou au Japon, la singularité européenne réside dans le fait qu’elle investit actuellement de plus en plus majoritairement dans les espaces distants où sa dépendance commerciale est la plus forte. Pour 100 $ d’investissements directs extérieurs, les Etats-Unis en délocalisent 18 au Mexique et le Japon 18 en Asie orientale. L’Europe de l’ouest  n’en investit de son côté que 10 dans sa périphérie proche dont 8 en Europe centre orientale et moins de 2 dans les pays sud-méditerranéens.

•    Comment mesurer l’influence potentielle de l’Europe dans le Monde ?

L’analyse des flux commerciaux ne donne qu’une vision limitée et déformée de l’aire d’influence de l’Europe dans le Monde. Elle conduit à survaloriser des fluctuations conjoncturelles, liées par exemple aux variations du cours de l’Euro par rapport au dollar, et à sous-estimer des facteurs plus fondamentaux tels que la montée en puissance des relations Sud-Sud qui peuvent modifier fondamentalement les positions acquises. La politique très offensive de la Chine en direction des pays africains en constitue l’avatar le plus connu. L’étude qui a été menée par l’Union Européenne dans le cadre du projet « Europe in the World » (Cf. Encadré)  a tenté de mesurer l’aire d’influence potentielle de l’Europe dans le Monde à partir de 18 critères.  L’analyse statistique de ces 18 critères permet de dégager un score global d’influence européenne qui varie entre +9.4 (Croatie) et -3.2 (Japon). Un score positif  correspond à une forte influence globale de l’Europe qui peut être imputée à (1) une forte accessibilité à l’espace européen, (2) l’existence de langues communes ou de relations historiques fortes avec l’espace européen, (3) des flux commerciaux ou aériens fortement orientés vers l’Europe plutôt que vers d’autres parties du Monde et (4) des niveaux de développement plus faibles que celui de l’Europe mais avec une structure démographique plus jeune. Bien évidemment, aucun pays du Monde ne remplit systématiquement toutes ces conditions et l’indice obtenu est une mesure globale qui indique si une majorité de condition est remplie (score positif) ou si au contraire la plupart ne sont pas vérifiées (score négatif).L’examen des valeurs de cet indice synthétique (Tableau 1) montre que l’influence européenne dans le Monde existe bel et bien mais elle n’est réellement importante que dans une frange limitée de pays du voisinage et de pays d’Afrique subsaharienne. Elle est particulièrement faible dans les zones les plus dynamiques de l’économie mondiale (Asie-Pacifique) et dans la zone stratégique de concentration des ressources énergétiques (Golfe persique, Asie Centrale). Des opportunités importantes existent toutefois dans de grands pays émergents d’Amérique latine (Brésil) et d’Asie méridionale (Inde).

Tableau 1 : Indice synthétique d’influence potentielle de l’Europe dans le Monde
Source : ESPON Project 3.4.1. Europe in the World
influence4




























•    Quatre types stratégiques de relations pour l’Europe dans le Monde

L’indice synthétique ne permet cependant pas de bien résumer la diversité des situations et il est préférable de procéder à une classification qualitative qui permet de dégager quatre types stratégiques (Carte 3).


Carte 3 : Une vision stratégique de l’aire d’influence de l’Europe dans le Monde

influence3


Type A: Integration
. Cette situation caractérise des pays situés au voisinage immédiat de l’Europe et qui partagent avec elle une frontière commune ou bien n’en sont séparés que par une faible étendue maritime. La proximité physique se double d’un très fort niveau d’interaction tant dans le domaine commercial que dans celui des flux aériens qui sont fortement polarisés par l’Europe. Les relations coloniales passées sont également fortes, soit que ces pays aient été colonisés par l’Europe soit qu’ils aient été colonisateurs du territoire européen (Russie, Turquie).  L’asymétrie des niveaux de développement est assez forte mais tant à se réduire, surtout avec les pays du sud de la méditerranée alors qu’elle s’est renforcée à l’est depuis la chute su système soviétique. Les complémentarités démographiques sont fortes vers le sud.
Type B: Responsabilité : Les pays d’Afrique subsaharienne (exception faite de la partie la plus méridionale) sont des espaces de responsabilité pour les pays d’Europe.  La stratégie de fermeture tant pour les migrations (au point de confier aux pays intégrés d’Afrique du Nord le rôle de gardien des portes de l’Europe) que pour les investissements économiques (qui se limitent comme à l’époque coloniale à l’exploitation des ressources primaires) est une vue à court terme car il ne fait pas de doute qu’avec le vieillissement actuel de la population européenne mais aussi des pays émergents (Chine, Amérique latine, …), c’est probablement l’Afrique qui est appelée à devenir  l’espace mondial le plus dynamique dans une ou deux décennies, pour peu que sa population jeune soit bien formée et que les mobilités se développent avec les pays du Nord. L’Europe ne doit pas surestimer son influence qui est en déclin rapide.
Type C. Opportunités. Ce type caractérise des pays localisés à moyenne ou grande distance de l’Europe mais qui partagent avec elle une histoire et des langues communes. Les relations coloniales sont ici plus anciennes et correspondent à des espaces où les européens ne se sont pas contentés d’exploiter les ressources mais se sont implantés à la faveur de grands mouvements migratoires.  Il s’agit de à la fois de pays industrialisés et de pays émergents en croissance rapide (Brésil, Argentine, Chili, Inde, …). Les facilités de communication liées aux héritages historiques et culturels sont renforcées par d’excellentes connexions aériennes avec l’Europe. Il est évident que l’Europe dispose dans cette partie du Monde d’un espace majeur d’opportunité pour renforcer ou développer des relations de partenariat dans de nombreux domaines, notamment dans celui de la recherche et de l’innovation.
Type D. Défi. Les pays localisés le long d’une grande diagonale qui va du Golfe Persique à l’Asie orientale et l’Asie du Sud-Est sont ceux où l’influence européenne est de loin la plus faible dans le Monde. La distance physique est renforcée par la faiblesse des relations historiques (un peu moins marquée en Asie du Sud-est et au Proche Orient), les barrières linguistiques et l’asymétrie des relations commerciales qui est en général clairement en défaveur de l’Europe. D’un point de vue géopolitique et géostratégique, cette partie du Monde est avant tout soumise à la concurrence croissante des deux pôles de l’Amérique du Nord et de l’Asie orientale (Chine-Japon) et l’Europe y apparaît clairement comme un acteur secondaire. Le risque pris par les entreprises européennes qui investissent dans cette partie du Monde est donc particulièrement élevé puisque l’Europe n’y dispose d’aucun pouvoir notable dans d’autres domaines, notamment sur le plan militaire.









Pour en savoir plus
:

L’étude « ESPON 3.4.1. Europe in the World » a été coordonnée par C. Grasland (UMR 8504 Géographie-cités, CNRS, Université Paris 7 et Paris 1) et C. Didelon (UMS 2414 RIATE, CNRS, DIACT, Université Paris 7). Elle a été co-financée par la commission européenne (DG Regio) et les états membres (UE27+Suisse+Norvège) dans le cadre du programme ESPON 2006 ou ORATE (Observatoire en Réseau de l’Aménagement du Territoire Européen). Son objectif était de comprendre l’influence de la mondialisation sur la cohésion territoriale de l’espace européen et sur les relations avec son voisinage proche. Le rapport final du projet a été remis en décembre 2006 et est accessible sur le site de l’ORATE :
http://www.espon.eu/mmp/online/website/content/projects/260/720/index_EN.html

Les conséquences politiques du rapport ont fait l’objet d’une communication spécifique par P. Beckouche (Université Paris 1) et C. Grasland (Université Paris 7) qui a été présentée en mai 2007 lors d’un colloque franco-américain organisée par Andreas Faludi (Université de Delft) et le Lincoln Institute (USA). Le texte de cette communication intitulé « Régionalisme Nord-Sud : un défi pour l’Europe dans un monde en mutation » est accessible sur le site d’archives ouvertes du CNRS : 
http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00138851

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